Point juridique n°4 : La justice transitionnelle

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« Nous savons qu’une paix durable est liée à la justice, au développement et au respect des droits de l’homme. Nous savons que la paix ne revient pas automatiquement lorsque les armes se taisent et que les atrocités criminelles cessent. Pour pouvoir reconstruire des vies sans crainte de récurrence de la situation et pour que la société puisse aller de l’avant, il faut reconnaître qu’il y a eu des souffrances, rétablir la confiance dans les institutions de l’État, et il faut que justice soit rendue ».

Michelle Bachelet, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Déclaration devant le Conseil de Sécurité à NY le 13 février 2020

DÉFINITION

Origine(s) du concept

Le concept a été utilisé pour la première fois en 1988 par A. Henkin, pour désigner une nouvelle activité des droits humains répondant à certains dilemmes tels que :

  • Comment exercer la justice dans des circonstances de crimes de masse ?
  • Comment exercer la justice quand l‘Etat est coupable ?
  • Comment restaurer la confiance entre les citoyens et avec l’Etat ?
  • Comment rendre la justice quand on cherche l‘unité et la paix ?

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Définition

Selon le Secrétaire Général des Nations Unies (2004), la justice transitionnelle désigne « l’éventail complet des divers processus et mécanismes mis en oeuvre par une société pour tenter de faire face à des exactions massives commises dans le passé, en vue d’établir les responsabilités, de rendre la justice et de permettre la réconciliation. Peuvent figurer au nombre de ces processus des mécanismes tant judiciaires que non judiciaires, avec une intervention plus ou moins importante de la communauté internationale, et des poursuites engagées contre des individus, des indemnisations, des enquêtes visant à établir la vérité, une réforme des institutions, des contrôles et des révocations […]. »

PILIERS

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UN CONCEPT TRANSFORMATIF

Une approche progressiste du droit

La justice transitionnelle n’a rien d’un processus unique universel, il s‘agit plutôt d‘un ensemble de moyens divers fondés sur un objectif commun : une société juste, pacifique et inclusive. La démarche peut se résumer ainsi : juger les crimes du passé pour garantir un avenir fondé sur le dialogue et l‘Etat de droit.

  1. Temporalité de la justice transitionnelle
  2. Contexte particulier de violations massives
  3. Amorce de transition vers un Etat de droit
  4. Mise en place de mesures ou mécanismes traitant des violations pour établir leur existence, poursuivre les responsables et apporter des réparations
  5. Etablissement de la paix, de l’Etat de droit et de la démocratie (pas toujours atteint)

Des objectifs transformatifs

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CIBLES

Les victimes

La justice transitionnelle concerne avant tout les victimes, en se concentrant sur leurs droits et leur dignité. En promouvant l‘accès à la vérité, la justice et aux réparations, la JT promeut la reconnaissance de la douleur infligée.

En plus de permettre aux victimes de s‘exprimer sur leurs expériences, les initiatives de recherche de la vérité et de compensation sont une source d‘autonomisation très importante pour les individus et groupes marginalisés.

Les auteurs de crimes

Bien que tous les mécanismes de la justice transitionnelle n’incluent pas nécessairement une dimension pénale, cette forme de justice permet d’enquêter sur les auteurs de crimes et de documenter les cas en vue de procès ultérieurs. Ceci a pour objectif d’abolir l’impunité tout en garantissant un procès juste et équitable, le but étant d’empêcher la perpétuation de la violence.

La société et l’Etat

La JT crée de nouveaux espaces d’expression entre les victimes et les auteurs de crimes, afin de rétablir un lien social. Tous les récits sont entendus afin de transitionner vers une paix durable. Aussi, reconnaitre les crimes et les injustices socio-politiques permet de lutter contre l’impunité structurelle. La JT permet ainsi de renforcer ou renouveler la confiance des individus dans les institutions de l’Etat.

MÉCANISMES

Au niveau international

Haut-Commissariat des Droits de l‘Homme (ONU) :

  • Missions d‘établissement des faits et les commissions d‘enquête des Nations Unies (+ 20 pays). Exemples : mécanismes récents sur la situation au Myanmar, au Soudan du Sud, en Syrie et au Yémen.
  • Collabore avec le Conseil des droits de l’Homme, les titulaires de procédures spéciales et le Conseil de Sécurité de l’ONU sur les questions de justice transitionnelle et l’établissement des responsabilités.
  • Recherche et production de rapports sur les compétences de la JT.

Tribunaux pénaux internationaux ad hoc: Rwanda et Ex-Yougoslavie.

Au niveau national et local

Réformes des systèmes et des institutions juridiques et politiques : peuvent inclure des réformes des programmes d’histoire, l’ouverture des archives, des garanties de non-répétition, des mesures de restitutions et de redistribution des terres, etc. Exemple : Loi sur les victimes, Colombie, 2011.

Commissions Vérité et Réconciliation : mécanismes mis en place par la société pour enquêter sur la vérité, mettre en place des mécanismes judiciaires et des initiatives pour obtenir des réparations. Exemple : Memoria del Silencio, Guatemala, 1999 (a très bien fonctionné).

Renforcement de la société civile : commémorations, initiatives culturelles, …

La société civile algérienne lutte pour l’établissement d’une Commission Vérité sur la Décennie Noire, empêchée par la loi d’amnistie.


POUR EN SAVOIR PLUS…