Point juridique n°11 : Comprendre ce qu’est la Cour Africaine des Droits de L’Homme et des Peuples

ORIGINE : 

La Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples a été instituée le 9 juin 1998 par les États africains membres de l’Organisation de l’Union Africaine (OUA), aujourd’hui l’Union Africaine (UA).
Lors de leur réunion au Burkina Faso, les pays membres ont adopté le Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples. À l’entrée en vigueur de ce Protocole en 2004, 15 pays l’avaient ratifié. Près de vingt ans plus tard, 34 des 55 États membres de l’Union Africaine en sont désormais parties.
Située à Arusha, en Tanzanie, la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples, composée de 11 juges, est pleinement opérationnelle depuis 2010. Sa mission est de protéger, promouvoir et défendre les droits humains en interprétant la Charte africaine des droits de l’Homme et en jugeant les violations qui peuvent être commises à l’encontre des populations des États membres.

OBJECTIFS : 

L’objectif de la Cour africaine, inscrit dans la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples de 1981, est de garantir la protection des droits humains fondamentaux, tels que la liberté d’expression, le droit à un procès équitable et l’interdiction de la torture. Cette mission est également soutenue par le contexte historique de l’Afrique. En effet, la création de la Cour résulte d’un sursaut de conscience et de justice, incitant les pays membres de l’OUA à lutter contre l’impunité, notamment après les crises politiques qui ont secoué le continent dans les années 1990, telles que le génocide au Rwanda.

MANDAT : 

La Cour peut être saisie de deux manières :

  • Procédure contentieuse : La Cour peut recevoir des requêtes contre un ou plusieurs États accusés de violations des droits humains. Dans ce cadre, elle examine les faits et les arguments des deux parties avant de rendre une décision motivée, ordonnant des mesures visant à réparer les violations des droits humains constatées.
  • Avis consultatif : La Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples peut être sollicitée pour donner un avis sur des questions juridiques relatives à la Charte africaine ou à d’autres instruments concernant la protection des droits humains. Bien que ces avis ne soient pas contraignants, ils ont souvent une influence significative sur les politiques et les pratiques des États membres.

La Cour siège en sessions ordinaires quatre fois par an, mais elle peut également se réunir de manière exceptionnelle. Ces sessions peuvent avoir lieu dans n’importe quel État membre de l’Union africaine, et pas seulement à Arusha.

SAISINE:

Selon les dispositions juridiques qui régissent son fonctionnement, la Cour peut être saisie par les États, la Commission africaine des droits de l’Homme, des organisations intergouvernementales et des ONG ayant le statut d’observateur.

Les demandes individuelles, c’est-à-dire les plaintes émanant d’individus dont les droits ont été bafoués par un des pays parties à la Convention, peuvent également être entendues, ce qui permet un accès direct à la Cour pour les citoyens. Cependant, cette possibilité ne s’applique que dans le cas où l’État concerné par la plainte a accepté la compétence de la Cour, par le biais de la déclaration 34(6) du Protocole relatif à la Charte africaine. À ce jour, parmi les 34 États membres du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, seuls 8 ont ratifié cette option. En l’absence de cette déclaration, les requêtes sont d’abord examinées par la Commission africaine et peuvent néanmoins être portées devant la Cour.

À l’instar d’autres mécanismes de justice régionaux, les affaires examinées par la Cour africaine des droits de l’Homme et des Peuples doivent répondre à certains critères : la compétence matérielle, personnelle, temporelle et territoriale. La Cour peut rendre des arrêts contraignants, mais les décisions qu’elle prononce n’ont pas la certitude d’être appliquées, principalement en raison de l’absence de mécanismes d’exécution.

LES DEFIS:

Les défis auxquels sont confrontés la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples.

  • Manque d’exécution des décisions
  • La résistance des Etats à l’application des décisions de la Cour au nom de la souveraineté
  • Le volume grandissant de plainte, particulièrement dans le contexte actuel de répression contre les défenseurs des droits humains et de recul démocratique

Sources : 

  • Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, Organisation de l’unité africaine (devenue l’Union africaine), 1981
  • «Guide Pratique : La Cour Africaine des droits de l’Homme et des Peuples vers la Cour afraicaine de justice et des droits de l’Homme », Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), avril 2010
  • Site Internet de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples
  • « L’importance de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples », Centre d’études stratégiques de l’Afrique, Segnonna Horace Adjolohoun et Paul Nantulya, 16 juillet 2024
  • «Pourquoi la Cour africaine devrait-elle compter pour vous ?», Amnesty International, 27 juillet 2023