Journée d’étude et de réflexion pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes

A l’approche de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes du 25 novembre, le Collectif des Familles de Disparu.e.s en Algérie (CFDA) a coorganisé avec l’association Riposte Internationale un colloque d’étude et de réflexion le 23 novembre 2024 à Paris dans le 18ème arrondissement. L’évènement s’est articulé en deux temps principaux.

Les violences commises contre les femmes, en particulier au Maghreb

Dans la matinée, la première partie du colloque a pris la forme d’un diagnostic de la situation, dressé par les intervenantes, enrichi de leur interaction et de la participation de l’audience. Les intervenantes ont compté :

  • Bochra Bel Haj Hmida, avocate à la Cour de cassation de Tunisie, ancienne présidente de l’association tunisienne des femmes démocrates, ancienne députée à l’Assemblée des représentants du peuple en Tunisie, Présidente de la Commission des libertés individuelles et de l’égalité dans le pays ;
  • Nedjma Benazia, membre du CFDA, architecte et petite fille de disparue ;
  • Souad Frikech-chaouih, déléguée générale à l’Association des Marocains en France ;
  • Nadine Mezens, ex Adjointe à la Mairie du 18ème arrondissement de Paris.

Les participants ont exploré les multiples formes de violences, souvent imbriquées les unes aux autres, à savoir les violences familiales, extra-familiales, économiques et institutionnelles. Parmi les caractéristiques et les facteurs de violences faites aux femmes sont ressortis :

Les normes sociales, culturelles, et religieuses, en particulier au Maghreb : Les violences familiales, notamment conjugales, sont souvent tues et justifiées par des références religieuses ou culturelles ancrées. Elles sont particulièrement répandues dans des sociétés dont la famille, construite sur le pouvoir masculin, est la pierre angulaire. Ces normes patriarcales sont renforcées par des interprétations de l’islam qui maintiennent les femmes dans une position de subordination. Ainsi, le silence des victimes est souvent encouragé par la peur du déshonneur familial ou de l’exclusion sociale.

Les institutions : Au Maghreb, ces normes sociales, culturelles et religieuses transparaissent dans celles de droit positif, dont le code de la famille a été qualifié de plus grosse source de violence institutionnelle. Dans tout pays, les lois, lorsqu’ elles ne sont pas lacunaires, ne permettent pas de combattre le fléau de la violence à l’égard des femmes sans engagement de l’Etat à les appliquer. Le manque de budget alloué à l’élimination d’une telle violence met en lumière la couleur de la volonté politique sur cette question, expliquant la défaillance des mécanismes de protection des victimes. Ce problème a été illustré par les cas de la France et de la Tunisie. Ainsi, les femmes au Maghreb ne jouissent pas d’un recours effectif auprès de la justice pour les violences dont elles sont victimes. Par exemple, les régions rurales connaissent un manque d’application des lois due à la réticence des juges, le versement de pot de vins à ces derniers ou le faible taux d’alphabétisation des femmes. Par ailleurs, les femmes subissent même l’acharnement frontal des institutions, notamment en Algérie où la répression des voix dissidentes depuis le Hirak cible particulièrement les militantes.

Le milieu professionnel : Les échanges ont souligné la banalisation des actes de violences sexuelles et sexistes dans la sphère professionnelle.

La dépendance économique : Cette dépendance est un facteur aggravant des violences. De nombreuses femmes n’ont pas accès à un emploi stable et sont contraintes de rester dans des situations de violence par peur de se retrouver sans ressources.

L’intériorisation de la violence: L’élimination de la violence à l’égard des femmes repose en premier lieu sur les femmes elles-mêmes, dont la prise de parole déclenche leur protection au niveau individuel et le changement systémique. Or, comme évoqué, les normes sociales et culturelles encouragent déjà une banalisation par tous les membres de la société, y compris les femmes. Ensuite, la prise de conscience de la situation de victime est un long processus, semé d’obstacles, qui n’aboutit pas forcément. La dépendance économique et l’emprise psychologique des bourreaux participent de l’entretien et de l’intériorisation de la violence.

Perspectives et recommandations

L’après-midi, se sont tenus des ateliers de réflexion collective où tous les participants ont été invités à formuler des recommandations concrètes pour éradiquer les violences à l’égard des femmes. Ces échanges ont encouragé l’émergence de solutions innovantes, en particulier au profit de l’action du CFDA et de Riposte Internationale pour les droits des femmes en Algérie.

Ont été soulignés plusieurs leviers d’action :

Renforcement du cadre juridique: La loi est l’outil premier pour ériger une protection robuste des femmes contre toute forme de violence. Il est urgent d’inscrire l’égalité des droits entre les femmes et les hommes dans toutes les sphères de la société. Il faut également mettre en place des mécanismes qui protègent et garantissent ce principe, y compris une justice efficace, indépendante et impartiale. La refonte de l’arsenal juridique devrait impliquer des spécialistes, à savoir des sociologues, anthropologues, psychiatres et autres professionnels.

Sensibilisation et éducation : il s’agit de déconstruire les schémas de domination au sein de l’imaginaire collectif, notamment en déconstruisant le fait religieux. Ce processus implique des illustrations concrètes, en particulier des cellules familiale et professionnelle. Il convient d’inculquer les valeurs d’égalité femme-homme ainsi que de stimuler la réflexion sur la mise en application de ce principe dans la société. Cette sensibilisation doit intervenir dès l’enfance.

Mobilisation : Le progrès de la société dans le combat pour les droits des femmes est nécessairement une action collective. Les associations, militant.e.s et toute personne engagée, par sa conscience personnelle ou fonction professionnelle, dans l’élimination de la violence à l’égard des femmes doivent unir leurs efforts et mettre à profit leur intelligence collective pour influencer les mentalités. Cette influence doit aller de la prise de conscience à l’action. Le levier associatif est fondamental et nécessite davantage de moyens.

Collaboration associative: Les associations sont alors invitées à consulter d’autres associations et mouvements présents en Algérie et en France pour renforcer leurs capacités. Ainsi, l’échange d’expériences et de bonnes pratiques est un moyen clé d’amélioration, d’innovation et de progrès des actions d’élimination des violences faites aux femmes du CFDA et de Riposte Internationale.