Conférence / Tables rondes : La participation des femmes dans les conflits armés, les processus de paix et les périodes post conflit : mobilisations collectives, militantismes et mouvements contestataires
Samedi 23 juillet, 9h30 – 18h
24 Quai d’Austerlitz, Paris – 21 Rue Mustapha Benboulaid, Alger
Lien Zoom : https://us06web.zoom.us/j/81990374941?pwd=WkpzRjRyTk1RY2pTWGNwR3ZlenEwUT09

Dans l’histoire contemporaine du XXème siècle, les conflits armés ont eu de très importantes répercussions sur les femmes. Dans les sociétés patriarcales, du fait de leur genre, classe, origines, âge, etc, les femmes constituent un groupe social vivant de multiples oppressions. À l’intersection de différents rapports de domination, les femmes subissent de multiples formes de violence, aujourd’hui qualifiées de crimes contre l’humanité par l’article 7 du statut de Rome et la jurisprudence de la Cour Pénale Internationale lorsque celles-ci « sont commis[es] dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque » : viols systématiques comme tactiques de terreur, utilisation comme butin de guerre, meurtres, disparitions forcées, etc. Bien que les femmes soient les cibles d’oppressions structurelles, ôter à celles-ci leur agentivité constituerait un important biais analytique. À rebours des récits dominants désignant les femmes comme perpétuelles victimes, les réalités complexes de leurs engagements et leur participation aux multiples résistances, mobilisations collectives et processus de paix offrent une lecture différente de l’Histoire des luttes et mouvements contestataires, constamment écrite au masculin. L’engagement des femmes lors des conflits, contre les dictatures, contre la spoliation et l’accaparement des richesses de leurs communautés par des minorités prédatrices relais d’intérêts anti-nationaux, contre la destruction de leur environnement ou pour la libération de leurs pays du joug colonial met en exergue leur rôle déterminant dans les mobilisations.
En Algérie, les femmes ont pris activement part à la guerre d’indépendance en prenant le maquis et en rejoignant en nombre le Front de Libération Nationale. Cependant, parce qu’elles ont été exclues des sphères de prise de décision, aussi bien au cours de la lutte armée pour élaborer le projet de société à construire au moment de l’indépendance, qu’après la libération pour peser sur les choix politiques et sociétaux, les femmes n’ont pu réaliser leurs aspirations légitimes à un changement de leur statut social. En outre, elles n’ont pu contribuer, en tant que citoyennes à part entière, à édifier une Algérie émanant d’un peuple souverain, où règnent la justice sociale, la liberté, et l’État de droit.
De même, au sortir de la guerre civile des années 1990, les mères de disparu.es qui ont été nombreuses à avoir combattu pour la libération de l’Algérie, ont milité sans relâche, pendant plusieurs décennies, afin de retrouver leurs enfants. Elles se sont battues et se battent toujours corps et âme pour faire la lumière sur la disparition de leurs proches. Faisant fi de leurs attentes,
et de celles des victimes du terrorisme islamiste, le président Abdelaziz Bouteflika leur a opposé la charte dite “pour la paix et la réconciliation nationale”. Cette charte et ses textes d’application instituent l’impunité pour les groupes armés islamistes et les agents de l’Etat, niant les droits des victimes à la Justice et à la Vérité. À travers ces textes, le régime algérien impose l’oubli, et prive les Algériens et les Algériennes de l’écriture de leur Histoire, d’un véritable processus de paix et de réconciliation, ainsi que des garanties de non-répétition des crimes, piliers de la justice transitionnelle.
Les femmes ont donc été, de facto, mises à l’écart des instances décisionnelles après l’indépendance, et lors de la période post-conflit et du “processus de paix” mis en place par le régime algérien. Ici comme ailleurs, un plafond de verre institutionnel se matérialise tout particulièrement dans les phases de transition et de reconstruction. Rares sont les expériences de femmes résolument engagées dans des luttes armées ayant pu faire valoir leurs revendications d’égalité et de justice au prisme du genre, pour les inscrire comme fondements des projets de société à construire à l’issue des conflits. Ainsi, l’exclusion des femmes des sphères de pouvoir pendant les conflits et dans les phases post conflit constitue un obstacle à la reconnaissance pleine et entière des luttes qu’elles ont menées et mènent toujours. Les femmes se voient confisquer la place qui leur revient dans la société et dans l’Histoire. Ces obstacles à leur émancipation vis à vis des multiples oppressions constituent une entrave continue à l’avènement de sociétés véritablement affranchies des germes de la domination, de l’exploitation et de la répression, qui alimentent les conflits armés, les guerres civiles et les drames humains.
La reconnaissance du rôle et de la place des femmes dans la recherche et la mise en œuvre de solutions justes et durables aux conflits, dans le respect des intérêts légitimes et des droits de tou.te.s, nous paraît essentielle. À travers différentes tables rondes (Algérie, Tunisie, Palestine, Syrie, Kosovo), nous entendons mettre en exergue et rendre hommage à la participation des femmes dans les luttes et les mobilisations collectives mais également interroger leur manque de représentation à tous les niveaux de prise de décision lors de la conception et la mise en œuvre des processus, mécanismes et structures politiques, juridiques et économiques de reconstruction des sociétés en période post conflit.